Malgré l’annonce d’une tempête, Bolivar, un pêcheur sud-américain aguerri, convainc le tout jeune Hector d’embarquer sur son rafiot. Rapidement et immanquablement, les deux hommes se retrouvent à la merci des éléments, prisonniers de l’immensité de l’océan Pacifique, liés dans une terrifiante intimité forcée alors même que tout les dissocie. Au début, c’est l’instinct de survie qui les mobilise solidairement dans la quête du manger et du boire et dans l’espoir grisant d’être retrouvés et secourus. Puis, au fil du temps qui s’écoule sans poser d’autres repères aux deux hommes que le cycle de la nuit et du jour, la foi se dilue. Tandis que la réalité s’écaille, la vie d’avant n’est plus qu’un patchwork de réminiscences adorées ou gangrenées par le remords. Chacun se confronte violemment à ses propres limites physiques et psychologiques, ainsi qu’à celles de l’autre. L’autre qui devient à la fois un miroir déformant, un clarificateur de conscience, une nécessité, un enfer.
D’aucuns y saisiront peut-être le rappel d’un confinement, mais à ciel ouvert. Pourtant, c’est bien la condition humaine que Paul Lynch explore et interroge. L’écriture crée des ressentis intenses, la condition brute des personnages infimes dans l’immense, questionne profondément le lecteur. Et c’est vrai, dans Au-delà de la mer, on songe assez vite au vieil homme d’Hemingway – à la grande différence qu’ici, la blessure du grand combat contre soi-même est infectée par la présence de l’autre –, et aussi aux limites absurdes de nos vies qu’avait définies Albert Camus.
En somme, vous aurez compris qu’avec ce roman remarquable, Paul Lynch, figure absolument incontournable des lettres irlandaises contemporaines, confirme sa bonne place au rang des faiseurs de grande littérature.
© Albin Michel, août 2021.
Traduit de l’anglais (Irlande) par Marina Boraso.
Disponible chez Point Virgule à Namur :