Le 16 août 1944, à la Libération à Chartres, le photographe Robert Capa a réalisé un cliché inoubliable : celui d’une femme tondue, le buste droit et le visage incliné vers le nourrisson serré contre son sein, conspuée par une foule rageuse. La primo-romancière Julie Héraclès s’inspire de cette célèbre photographie pour librement retracer le parcours de la jeune femme que l’image intitulée « La Tondue de Chartres » a immortalisée.
Le roman est écrit à la première personne : Simone, née à Chartre dans les années 1920, prend la parole et elle raconte le parcours, depuis son enfance, qui l’a menée jusqu’à la vindicte populaire. Issue d’une famille de commerçants qui aurait pu prospérer mais a échoué, elle grandit dans l’atmosphère aigre des fins de mois difficiles. Sur les bancs de l’école, elle se montre néanmoins extrêmement brillante et tout aussi déterminée à saisir sa chance. Éblouie – comme bien de ses contemporains, faut-il le rappeler – par le système nazi de la fin des années 30, confiante en Pétain, elle s’égare et pénètre dans une brèche dont elle ne sortira pas indemne, bien qu’elle déchante rapidement. Puis surtout, elle tombe amoureuse…
Julie Héraclès donne subtilement vie à un personnage complexe, fort et incandescent, et elle explore sans manichéisme et avec mille nuances les chemins que celui-ci aurait choisi d’emprunter jusqu’à ce jour d’août 1944. L’immersion du lecteur dans le lieu, le milieu et l’époque est directe et précise, la gouaille de Simone traduit sa soif de liberté absolue et sa rage de vivre. Le texte est parfaitement charpenté, l’écriture maîtrisée.
Vous ne connaissez rien de moi est un premier roman brillant, intelligent, déstabilisant et passionnant qui, sans nul doute, marque déjà la rentrée littéraire de toute son originalité.
© Jean-Claude Lattès, 2023.
Dans trois jours, j’aurai vingt-trois ans. Je vais mourir avant. Ils ne me louperont pas. Une balle dans la tête. Le sang gicle comme un geyser et me barbouille les yeux. Le monde devient cramoisi, puis tout noir. Je m’écroule, la gueule fracassée sur le pavé. Petit tas inerte qu’il faudra charrier dans la fosse commune.
Ces visions m’assaillent depuis des jours. Elles dansent la gigue dans mon cerveau, elles me trouent les entrailles. Il n’y aura pas de pitié pour moi. La pitié n’existe pas. La vengeance, oui. Les Allemandes ont fusillé ceux de Chavannes comme des chiens en 42. Aujourd’hui, les vainqueurs ont changé de camp. Je n’aurai droit à aucune clémence. La pute du Boche va être butée.