Oiseaux de passage • Fernando Aramburu

Le journaliste et écrivain basque Fernando Aramburu avait marqué la critique et les lecteurs avec le tranchant roman Patria (Actes-Sud, 2018 – Babel), qui dépeignait, non sans cruauté, une localité rurale du Pays basque espagnol où les terroristes de l’IRA imposaient un régime totalitaire et répressif à tous ses habitants.

Aramburu nous revient, traduit chez le même éditeur, avec Oiseaux de passage, un roman-fresque à la teneur bien plus introspective puisqu’il s’agit de l’exploration, avec un regard affûté et un humour caustique, de l’intimité d’un homme stoïque, à la mauvaise foi crasse, en parfait décalage avec son époque.

Toni, quinquagénaire madrilène, professeur de philosophie, divorcé et boomer assumé, décide de mettre fin à ses jours un an plus tard – non pas sous le coup d’une quelconque dépression, mais par lassitude existentielle. Ce texte est donc le journal de sa dernière année sur terre, dans lequel il consigne, sans fil et sans filtre, le récit quotidien de son existence, présente et passée. Le roman, à la structure complexe et à la charpente parfaitement érigée, se déploie comme un large patchwork confectionné à partir de ses fantasmes débridés, de ses petites misères, de ses mini victoires et de ses gros regrets.

A priori, nous lisons l’autoportrait d’un parfait cynique auquel, pourtant, on s’attache sincèrement. Jamais l’humour ne quitte le personnage et sa vision du monde est décalée, intelligente – quoique discutable – et pleine de répartie. L’écriture est à la fois soutenue, réflexive, parfois âpre, et en même temps fulgurante, subtile et efficace. Du reste, l’amitié, l’amour, la liberté traversent chaque mot de ce qui demeure une incontestable ode à la vie.

Un bon gros pavé dans lequel s’immerger pendant quelques temps, et qui laisse un véritable pincement au cœur dès la dernière page dévorée.

Traduit de l’espagnol par Claude Bleton, © Actes Sud, janvier 2023.